Michel Foucher, un géographe, « penseur des frontières » à Mongré. — Ecole Notre Dame de Mongré

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Michel Foucher, un géographe, « penseur des frontières » à Mongré.

Affiche conférence M. Foucher CR Mongré

Le 11 mai, les élèves de premières et terminales qui suivent la spécialité HGGSP ont eu la chance d’échanger avec le géographe et diplomate, Michel Foucher sur l’espace Schengen et les frontières en Europe et la question du Cyberespace, des thématiques adossées à leur programme d’enseignement.

Depuis sa thèse de doctorat, en 1987, sur Les frontières dans le Tiers Monde, M. Foucher a consacré plus de 35 ans de recherches sur les frontières et a publié pas moins de six ouvrages sur cet objet d’étude sans compter les publications régulières dans la presse et dans des revues spécialisées. Son travail a fait de lui « le penseur des frontières ». Son expertise a été très vite recherchée par la sphère politique puisqu’il est devenu conseiller politique (notamment d’Hubert Vedrine) avant de devenir diplomate, ambassadeur de France en Lettonie de 2002 à 2006.

Les élèves qui avaient préparé en amont leur questionnement avec leurs enseignants respectifs, ont été soucieux de savoir comment il avait travaillé pendant toutes ces années et, si la démarche d’analyse géographique, l’avait conduit sur le terrain. M. Foucher s’est volontiers prêté au jeu ! De même, les terminales, outre leurs propres questions sur le cyberespace, ont essayé de comprendre pourquoi, il se présentait toujours dans ses publications comme géographe et diplomate et non comme géopoliticien. C’était pour lui une belle opportunité de faire un peu d’épistémologie de la discipline et de rappeler aussi ses fondamentaux.

Mme Dumas Marie-Line, professeure d’Histoire-géographie, HGGSP

 

Conférence de Mr Foucher

Le 11 mai 2023, les élèves premières suivant la spécialité HGGSP ont pu assister à une conférence donnée par Mr Michel Foucher, diplomate, géographe et auteur reconnu dans le milieu de la géopolitique et des relations internationales. Ainsi, le thème de la conférence s’appuyait sur l’objet d’étude principal de Mr Foucher : les frontières, qui sont selon lui, “l’objet politique par excellence.”

Après une brève présentation de Mr Foucher et de sa trajectoire personnelle de géographe,  L’échange a débuté par une interrogation sur l’espace Schenge et le rôle du libéralisme dans sa création. Nous apprenons alors que cet espace, dont l’objectif principal est la libre circulation des personnes, notamment celle des travailleurs, n’a jamais été aisé à mettre en place. Mr Foucher détaille d’abord la laborieuse apparition de Schengen, dans les années 90, avant de s’attarder sur les crises qu’il a pu traverser. A travers l’évocation des différentes grèves ayant marqué les frontières françaises et allemandes, nous en arrivons à la conclusion que l’espace Schengen ne représente pas la disparition des frontières, mais bien leur modification, et la diminution de leur visibilité au quotidien.

Par la suite, Mr Foucher est interrogé quant à la possibilité pour cet espace d’être un facteur de la puissance européenne, répondant alors qu’il marque avant tout un consensus. En effet, Schengen participe à la puissance de l’UE dans la mesure où il est l’expression de l’accord de ses membres sur un sujet aussi sensible que les frontières d’un Etat. Il n’est alors pas un outil de “hard power” pour l’UE, mais sert plutôt son “soft power”, en montrant l’image d’une Europe unie et confiante dans un monde globalisé. Il participe aussi à améliorer l’image qu’ont les Européens eux-mêmes de l’Union, puisque la libre circulation est l’une des mesures les plus populaires auprès des citoyens européens.

Nous abordons alors la question des frontières de Schengen, en nous questionnant sur les difficultés qu’impose l’imprécision de ses contours géographiques, modifiées pas moins de six fois depuis la naissance de l’espace Schengen. Mr Foucher explique donc les particularités de ces frontières, qu’il qualifie d’ailleurs de “limites”. Les premières difficultés qu’il évoque sont liées à la régulation des flux migratoires. Certains pays, comme la Grèce et l’Italie sont régulièrement exposées aux crises migratoires, étant des points de passage majeurs depuis l’Afrique et le Moyen-Orient. D’un autre côté, ces migrants sont très utiles à l’industrie et à l’économie d’Etats comme l’Allemagne. Nous comprenons donc que le défi principal posé par ces frontières réside dans le respect de la libre-circulation fondatrice de Schengen, qui entre en opposition avec la nécessité de gérer les déplacements des populations quand les frontières extérieures sont débordées.

Ensuite, nous questionnons Mr Foucher en s’appuyant sur l’un de ses ouvrages :  L’obsession des frontières. Nous traitons alors les causes du renforcement des frontières de Schengen, ainsi que les possibles dangers que celui-ci peut présenter. Pour ce faire, nous passons en revue les différentes crises qu’a traversées l’UE ces dernières années. Du terrorisme au Covid- 19 en passant de nouveau par les migrations, nous comprenons que ces crises remettent en cause certains acquis de Schengen, puisque des Etats ferment leurs frontières propres quand elles surviennent, mettant alors en péril les principes fondateurs de l’espace. Pour remédier à cela, l’UE a mis en place des systèmes afin de renforcer encore davantage ses frontières externes. Cela passe par la création d’agences et de bases de données communes, qui amènent à l’apparition d’un nouveau type de frontière, ouverte tout en étant sous contrôle.

Puis, nous concluons avec une ultime question, portant sur l’avenir de l’espace Schengen et de l’UE. En nous adossant à des suppositions faites dans un second livre de Mr Foucher, Le retour des frontières, nous interrogeons la possibilité d’une association de la Turquie et de l’Ukraine avec Schengen. Mr Foucher donne deux réponses distinctes. Selon lui, la Turquie ne pourra jamais être absorbée par l’UE, car elle est trop grande, trop puissante, trop éloignée et diffère trop sur le plan culturel et civilisationnel. Il ne faut cependant pas négliger les échanges avec cet Etat, qui doivent restés bons si l’UE souhaite obtenir l’assistance de la Turquie dans la gestion des migrations. Quant à l’Ukraine, Mr Foucher nous explique que, de par ses similitudes avec les pays de l’UE, cette dernière doit lui tendre la main, et engager dès que possible, un renforcement des relations pouvant aller jusqu’à l’intégration à l’espace Schengen et à l’UE, une fois la guerre contre la Russie terminée.

Cette conférence nous a donc apportés des connaissances et des éclairages supplémentaires portant sur un thème tout juste étudié en classe. Cela a permis à chaque élève de s’approprier d’une manière différente les savoirs portés par l’expert qu’est Mr Foucher.  Aussi, nous remercions Mr Foucher d’avoir accepté de répondre à notre questionnement sur un sujet passionnant.

Martin Coquard-Bonnevaux, élève de Première spé HGGSP.

 

Conférence sur le Cyberespace de M. Foucher le 11 mai.

Ce jeudi 11 mai, les Terminales de la spécialité HGGSP ont assisté à une conférence, dirigée par le géographe et universitaire Michel Foucher. Le temps d’une heure, les élèves des classes de Mme Dumas et Mr Mergoux ont eu l’occasion d’échanger avec le géographe spécialiste de la question des frontières, sur un thème étudié au cours de l’année : le cyberespace. Ce fut donc autour d’un questionnement ordonné que tous ont pu approfondir leurs connaissances sur les enjeux actuels de cette thématique.

Afin d’introduire, il fut important de préciser pourquoi l’intervenant Michel Foucher n’est évoqué qu’en tant que “géographe”, ou comme « diplomate » et, non comme un “géopoliticien” alors même qu’il est le « penseur des frontières », thématique pourtant éminemment géopolitique.

M. Foucher explique alors qu’il est convaincu que de nos jours, le terme “géopolitique” est victime d’un usage abusif dans les médias. Il a lui-même introduit cette notion en France (dans les années 70 en revenant d’une mission au Brésil). Ce terme qui traduit “l’analyse de l'interaction de la politique avec le territoire”, est presque devenu tabou à la suite de la Seconde Guerre mondiale puisque les maîtres penseurs allemands et notamment, les théories de Ratzel ont été instrumentalisées par Hitler pour justifier sa conquête de l’espace vital. Ainsi, en contrepoint de la vulgarisation actuelle de ce terme, Michel Foucher se considère en premier lieu, géographe. Son sujet d’étude concerne l’interaction entre la politique et la géographie, autrement dit,  “ce qui est cartographiable”, soit les frontières.

Tout d’abord, un premier élève demanda des précisions sur la composition et le fonctionnement du Cyberespace : Le Cyberespace a-t-il des frontières ? Ou, au contraire, est-ce un monde virtuel sans limites ? Un village planétaire ? Dans quelle mesure les Etats exercent-ils leur souveraineté sur le cyberespace ?  Le cyberespace est alors défini : ce terme est apparu grâce à l'écrivain de science-fiction William Gibson. L’origine du système est américaine, provenant de l’ARPANET dédié à l’usage militaire. C’est dans les années 70 que le système se démocratise avec la liberté de partage. Mais peut-on le définir comme un “territoire” ? Des éléments tels que les portails, les nœuds ou les passerelles peuvent l’affirmer. C’est sur ce “territoire” que les Etats peuvent exercer leur puissance. Les Etats-Unis gouvernent Internet aujourd’hui, mais de nouvelles concurrences se créent. La Chine par exemple, érige ce qui est appelé “ la Grande Muraille du net”, qui lui permet de s’émanciper de la puissance américaine. Les frontières dans le cyberespace sont ainsi définies : elles existent au sens où les Etats interviennent et exercent leur puissance. Elles y sont aussi réglementées afin de protéger les données. Enfin Internet ne relève pas seulement d’un réseau virtuel : 450 câbles sont dispersés dans le monde sur près d’un million de kilomètres afin d’assurer la circulation des données. Ainsi le cyberespace est constitué de couches logicielles, sémantiques et physiques.

Ensuite, le questionnement s’est approfondi sur la question de la fragmentation du cyberespace :  Face aux difficultés d’une gouvernance concertée (pour protéger nos données mais aussi, assurer la sécurité ou encore, la protection de nos recherches scientifiques…) , le cyberespace  est-il en voie de « balkanisation » ? En effet, on peut observer une fragmentation du cyberespace, depuis la campagne de Donald Trump contre le géant chinois Huawei. Cela relève d’un manque de confiance en les firmes capitalistes chinoises. Ainsi, aujourd'hui, deux blocs distincts se forment autour de la Chine et des Etats Unis. Par exemple, les câbles sous-marins sont séparés en Asie, certains contournent la mer de Chine. Cependant d’autres projets voient le jour, comme celui de connecter l’ouest de l’Afrique aux États Unis via le Brésil. L’Afrique prend du retard malgré l’effervescence des progrès technologiques, et il est important de l’intégrer au reste du monde. Ce réseau de câbles sous-marins forme alors une “géographie des câbles”, mise en place en premier lieu par les Britanniques. Elle n’a pas bougé depuis ses origines.

Ainsi, au vu de l’importance croissante du rôle du cyberespace dans nos sociétés, il est à même de se demander : Est ce que les conflits de demain seront des cyberguerres ? La réponse fut rapide : elles sont déjà les guerres d’aujourd’hui !!!! L’exemple actuel est celui de la guerre en Ukraine. Avant leur première attaque, les Russes ont lancé des cyberattaques. Au cœur de la guerre, le cyberespace à maintenant son rôle à jouer, autour de la désinformation ou encore, les attaques électroniques sur les systèmes d’armes. Il tend à devenir un outil au service de la puissance contre une autre. Par exemple, les attaques de missiles sont toujours précédées par des cyberattaques. Pour sa part, l’Europe est affaiblie sur ce point, puisqu’elle est construite sur un système d’information ouvert. Cela amène au développement de la cybersécurité, tel qu’en France avec l’Agence Nationale de la Sécurité et des Systèmes d’Information. La cybersécurité promet alors de devenir un marché d’avenir.

Une autre thématique qui a été abordée est celle de la visibilité des acteurs non conventionnels dans le cyberespace. Michel Foucher a alors souligné que, pour lui, la majorité des acteurs sont non-étatiques, que ce soit les compagnies de télécommunication ou encore les GAFAM. Il a aussi précisé le rôle des hackeurs montrant que ceux-ci peuvent être au service de grandes puissances. En effet, des pays comme la Russie ou la Corée du Nord se sont spécialisés dans les cyberattaques. C’est une arme de guerre particulièrement efficace car les attaques sont difficiles à attribuer à un pays en particulier. De plus, leur impact n’est pas à négliger car la désinformation peut influencer les opinions. Ainsi, en 2016, pour l’élection présidentielle des Etats-Unis, le parti démocrate avait vu des documents révélés au grand public. Des hackers russes étaient à l'origine de cette attaque visant à favoriser le candidat républicain Donald Trump plus proche de la Russie lors de l’élection.

La question du cyberespace comme enjeu de développement et de puissance a ensuite été analysée. Ainsi, le géographe a affirmé que le cyberespace pouvait être en effet un enjeu de développement, même s’il est conditionné par la possibilité d’avoir accès à l’électricité ce qui n’est pas garanti notamment  dans certains Etats en Afrique. De plus, Internet peut être un facteur d’ouverture au monde et un outil très utile dans le domaine de l’éducation pour accéder à de nouvelles connaissances. C’est aussi un enjeu de puissance par la maîtrise des infrastructures du réseau. En effet, des investissements massifs sont faits par les Etats pour contrôler les moyens d’accès à Internet et développer les réseaux Internet dans leur pays.

 Les élèves se sont ensuite interrogés sur la gestion des cyberattaques comme celle qu’a vécu l’hôpital de Villefranche-sur-saône récemment. Celles-ci sont gérées dans la plus grande discrétion. Il faut d’abord évaluer la provenance et les dégâts puis tenter de résoudre l’affaire. On a souvent peu d'informations sur la résolution de l’affaire. Cependant, on sait que, en général, les entreprises paient les rançons mais ne le disent pas pour éviter de salir leur réputation et de perdre la confiance des investisseurs.

En ouverture, une réflexion a été menée sur les questions éthiques et de responsabilité face à une dimension du cyberespace qui peut nous échapper et nous dépasser. Michel Foucher a montré la nécessité de mettre en place des normes, des règles et des limites pour réglementer cet espace et éviter les pratiques abusives. L’exemple de l’Union Européenne, qui a créé un règlement de protection des données personnelles, a été donné. De plus, les abus peuvent être dénoncés par des lanceurs d’alerte.

Ainsi, Michel Foucher a montré que le cyberespace est un endroit où les Etats exercent leur puissance, et donc ayant des frontières à ce titre. De plus, il a souligné l’importance des infrastructures physiques et du contrôle de celles-ci qui est un enjeu crucial de puissance pour des pays comme la Chine et les Etats-Unis. Les élèves ont vu aussi que cet espace est déjà au cœur des conflits d’aujourd’hui, nécessitant la mise en place d’une cyberdéfense active. Les acteurs non-conventionnels comme les hackers peuvent également être utilisés par des Etats dans le cadre de cyberattaques. Enfin, Michel Foucher a insisté sur l’importance de mettre en place une réglementation au sein du cyberespace pour lutter contre les pratiques abusives et le maîtriser.

Feuillade Marion, Paragon Louise, élèves de terminale spécialité HGGSP.